La Solideo, l’organisme public chargé de la réalisation des installations olympiques, a présenté des plans ambitieux en matière d’excellence environnementale. Leur objectif est de construire une ville du futur “post-carbone”, de lever les obstacles et de faciliter la collaboration entre les entreprises de construction, et de promouvoir le savoir-faire des entreprises françaises, notamment en ce qui concerne le village des athlètes, lieu de nombreuses innovations.
L’ambition est grande : pour le village des athlètes, situé à Saint-Denis, Saint-Ouen et l’Ile-Saint-Denis, Nicolas Ferrand, directeur exécutif de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), déclare qu’ils “veulent réduire l’effet carbone du cycle de vie total des bâtiments de 45% par rapport à un fonctionnement normal”. Alors que le monde est confronté aux défis du changement climatique, les chantiers de Paris 2024 servent de terrain d’expérimentation pour concevoir la ville du futur, qui appréhendera les enjeux climatiques de 2050 et apportera des solutions pour la rendre vivable et supportable.
Le monde entier a déjà pris conscience de nos ambitions, et cela sera encore plus évident à l’été 2024. Nicolas Ferrand, directeur exécutif, ajoute que nos chantiers font office de vitrine, avec 12 000 visiteurs pour la seule année 2022. Parmi eux, des ambassadeurs d’Allemagne, de Slovénie et de Corée du Sud, ainsi que le roi de Suède. Ces visites sont l’occasion non seulement de faire découvrir les chantiers, mais aussi de rendre le secteur de la construction français plus attractif grâce au travail extraordinaire qui y est réalisé.
Les sites de la Solideo doivent également permettre aux métiers de la construction d’avancer, et c’est un aspect que les Jeux de Paris 2024 doivent laisser en héritage. Toutes nos activités sont suivies et documentées dans une mise à jour de notre stratégie et de notre mise en œuvre de l’excellence environnementale – un rapport d’étape a été publié en octobre 2022, NDLR. Nous suivons nos progrès, nos réalisations, les défis, et ce qui aurait pu être amélioré si nous avions eu plus de temps et de ressources, pour être bénéfique aux générations futures.
30% de bois issus des forets françaises
D’une superficie de 52 hectares, le Village des Athlètes des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 sera aussi un nouveau quartier pour les futurs habitants et usagers une fois les compétitions terminées. Pour atteindre les objectifs environnementaux souhaités, la Solideo porte une attention particulière aux matériaux utilisés pour la construction, parmi lesquels le bois est utilisé en grande quantité – environ 15 000 à 20 000 m3 – sur les 52 hectares, dont un minimum de 30% doit provenir de forêts françaises.
Dans le secteur D, d’une superficie de 52 000 mètres carrés, Thibault Angles, directeur adjoint du programme des grands projets d’Icade, affirme qu’ils seront à plus de 30%. Ce secteur comprend un immeuble de bureaux de 9 000 mètres carrés, 3 000 mètres carrés de commerces et 640 logements répartis dans 12 bâtiments. Les matériaux utilisés pour la construction des bâtiments, d’une hauteur maximale de six étages, proviennent principalement des Vosges, du Jura et de la Haute-Loire, le reste provenant de l’Union européenne. Les extérieurs des bâtiments, notamment les charpentes, les planchers et les poteaux, étaient principalement en pin, mais les normes de sécurité incendie ont nécessité l’utilisation de béton pour les noyaux centraux des bâtiments.
L’ensemble de la profession avance
A terme, la quantité importante de bois utilisée ne sera pas aussi évidente pour les usagers, car elle sera généralement encastrée ou recouverte par un bardage sur les façades. L’objectif de réduction des émissions de CO2 devrait néanmoins être atteint : environ la moitié par rapport aux autres opérations, jusqu’à un total de 740 kg de CO2/m2 dans le secteur D, selon Florence Chahid Nourai, directrice des grands projets d’Icade en Ile-de-France.
Le secteur de la construction peut faire des progrès considérables en éliminant les obstacles à l’utilisation du bois, ce qui permettra son adoption généralisée. Selon Antoine du Souich, directeur de la stratégie et de l’innovation de la Solideo, les entreprises disposaient des connaissances techniques mais étaient freinées par divers obstacles. Pour que les bâtiments puissent être assurés comme les autres, toutes les parties concernées ont commencé à travailler ensemble pour déterminer les critères nécessaires.
Une collaboration importante a été réalisée avec le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB), qui a donné lieu à 16 rapports d’évaluation technique (Atex) et à la réalisation de deux guides. Icade, par exemple, a présenté cinq Atex sur les façades, et un autre sur les douches sur parquet, avec des saillies arrondies minimales ou nulles. Selon Thibault Angles, il n’existait aucune réglementation dans ce domaine. Un jeu de pentes a donc été mis au point pour créer des douches à la française, plutôt qu’à l’italienne, dont toute la filière peut désormais bénéficier grâce à la disponibilité de l’Atex. Cette initiative, plus coûteuse, a été cofinancée par le CSTB, la filière et le fonds d’innovation et d’écologie Solideo, à hauteur de 87 500 euros.
Émissions réduites de 30%
La Solideo accorde une grande importance aux matériaux utilisés, notamment le bois. En outre, elle utilise un béton à faible teneur en carbone, courant dans le village des athlètes et d’autres ouvrages olympiques, qui permet de ramener le niveau de CO2 à 150 kg/m3 en moyenne, au lieu d’environ 250 kg/m3 avec des bétons plus traditionnels, précise l’établissement public.
Les matériaux bio-sourcés ont leur place dans le village, notamment dans l’isolation des façades qui utilisera de la laine de bois. De plus, certains espaces publics seront dotés de pavés en coquillages afin de réduire les émissions liées aux produits et équipements de construction de 30% dans le village, et de 23% pour les chantiers olympiques.
Meilleure gestion des déchets
Dans le secteur D, une structure appelée Cycle sera construite, permettant de poursuivre les recherches sur la gestion des déchets et de l’eau des bâtiments. Elle abritera une trentaine de logements sociaux, exploités par CDC Habitat.
Une station d’épuration va être installée au sous-sol pour traiter les eaux dites grises afin qu’elles soient réutilisées. Céline Lains, chef de projet de la Caisse des Dépôts, affirme que cette réinjection sera utilisée pour les chasses d’eau, l’arrosage et le nettoyage des espaces communs. D’ailleurs, il y a eu une demande pour l’utiliser même pour les machines à laver. Par ailleurs, les eaux noires seront collectées et utilisées à des fins agricoles. Cette expérience devrait permettre de réduire la consommation d’eau potable jusqu’à 60 %.
Un dispositif d’électro-compostage de dimensions appropriées pour la communauté sera installé au sous-sol pour gérer les biodéchets produits par les habitants.
Des matériaux réutilisés
Antoine du Souich indique que la logique d’économie circulaire est appliquée à l’ensemble des matériaux issus de la déconstruction du premier chantier du village olympique en 2019, avec 96% des matériaux qui seront réutilisés sur le site même. Seuls les matériaux trop pollués pour être réutilisés sont retirés du circuit.
Le sol du village olympique devrait être composé à 70% de terres excavées et de déchets inertes, stockés et “préparés” à Bruyères-sur-Oise. Ce technosol imiterait le terrain naturel sans introduire de terre agricole. De plus, les granulats présents sur le site ont été concassés et réutilisés en sous-couches routières, ce qui en fait une expérience unique comme le souligne le directeur de la stratégie et de l’innovation de la Solideo.
Innovations sur des espaces adaptatifs
Le village olympique cherche à anticiper la ville du futur, avec une conception bioclimatique qui garantit un environnement de vie confortable malgré les températures plus élevées prévues pour 2050.
La conception et l’aménagement d’un logement doivent assurer un confort adéquat aux occupants, la température intérieure restant inférieure de 6°C à la température extérieure en été. Si la climatisation n’est pas présente, la géothermie superficielle peut être utilisée pour maintenir le bâtiment frais, selon Nicolas Ferrand.
Afin de lutter contre l’effet d’îlot de chaleur, environ 9 000 arbres seront plantés dans le village pour végétaliser les espaces publics. Ces arbres comprendront un mélange d’espèces résistantes à la sécheresse et d’espèces aux cycles d’évapotranspiration efficaces, afin de rétablir les corridors de biodiversité et de créer des zones de fraîcheur. Antoine du Souich estime qu’il s’agit d’une étape importante pour démontrer que les villes peuvent soutenir la biodiversité et introduire de nouveaux habitats.
Afin de réduire la possibilité de pénurie d’eau, diverses mesures seront prises. Un système d’irrigation sera mis en place, utilisant des eaux usées purifiées par des techniques de filtration céramique. En outre, des conceptions spécifiques des chaussées urbaines seront utilisées pour collecter, stocker et redistribuer l’eau. Ces développements devraient amener le secteur de la construction à réfléchir à l’avenir des villes.