Afin de lutter contre les décharges illégales et de promouvoir des pratiques durables de gestion des déchets dans le secteur du bâtiment, la responsabilité élargie du producteur (REP) pour les produits et matériaux de construction (PCMB) devrait entrer en vigueur le 1er mai. Toutefois, à dix jours de la date de lancement, des inquiétudes subsistent quant à l’état de préparation du programme. Les négociations avec les élus locaux sont toujours en cours, ce qui soulève la question de savoir si tous les préparatifs nécessaires seront achevés à temps.
Serait-ce la fin de l’élimination incontrôlée des déchets et le début d’une nouvelle ère d’économie circulaire dans la construction ? Avec le déploiement opérationnel de la responsabilité élargie du producteur (REP) dédiée aux produits et matériaux de construction (PCMB) à partir du 1er mai (reporté du 1er janvier 2022 au 1er janvier 2023), nous pourrions assister à un changement dans la façon dont nous traitons les déchets dans l’industrie.L’objectif premier de la REP est d’encourager la valorisation des déchets inertes, qui représentent 75 % du volume, ainsi que des déchets non inertes (23 % du total) tels que la laine de roche, la laine de verre, le verre, le bois, le plâtre et les peintures. En outre, la REP vise également les déchets dangereux tels que l’amiante, qui représente 2 % des déchets.
Cette évolution vers une économie circulaire dans le secteur de la construction ne sera pas seulement bénéfique pour l’environnement, mais créera également de nouvelles opportunités commerciales pour les entreprises de gestion des déchets, en promouvant l’innovation et la durabilité dans l’industrie. Avec la mise en place de la REP, le secteur de la construction a la possibilité d’assumer la responsabilité de ses déchets et de jouer un rôle essentiel dans la réduction de l’impact des déchets sur l’environnement.
Une réglementation simple
L’objectif est d’éliminer les dépôts sauvages de déchets, d’augmenter la densité des points de collecte, d’améliorer la traçabilité et d’éviter la saturation des décharges en favorisant le recyclage, la réutilisation et le réemploi des déchets. Par exemple, une vieille porte peut être transformée en bois de chauffage, réutilisée comme porte ou transformée en table. On ne saurait trop insister sur l’urgence de cette question. Les professionnels du bâtiment produisent autant de déchets que les ménages, soit 42 millions de tonnes par an. La nouvelle réglementation est simple en théorie. Les “metteurs en marché” – fabricants, importateurs et distributeurs de produits de construction – délégueront cette double responsabilité aux éco-organismes tout en s’acquittant d’une éco-contribution.
La Commission pour la responsabilité élargie des producteurs (REP) a agréé quatre éco-organismes, dont Ecomaison (anciennement Ecomobilier), qui accepte les retours de meubles.
Des professionnels impatients
Selon un arrêté publié au Journal officiel le 3 mars, il y aura 515 points de collecte opérationnels d’ici le 31 mars. En outre, le nombre minimum de centres de collecte et de distributeurs de déchets privés passera à 1 096 d’ici le 30 juin 2023, à 1 516 d’ici le 30 septembre 2023 et à 2 419 d’ici le 31 décembre 2023, selon le même arrêté.Malgré la mise en œuvre progressive, les professionnels sont impatients d’avancer. “Tout est plus ou moins en place. J’espère que cela permettra de traiter les déchets, notamment dans les zones rurales où les centres sont difficiles d’accès”, confie un chef d’entreprise. Dominique Mignon, président d’Ecomobilier, rappelle toutefois que la mise en place de ces filières prend du temps. “Soyons constructifs : aucune filière ne se met en place en un an, ni même en dix-huit mois. Nous avons reçu le cahier des charges en juin 2022 et avons été agréés en septembre. Il a fallu huit ans au secteur de l’ameublement et dix ans à celui de l’emballage pour se stabiliser. Collectivement, nous devons être ambitieux, mais admettons que la mise en œuvre se fera progressivement”, ajoute-t-il.
Le cas particulier des menuiseries
Hervé de Maistre, PDG de Valobat, précise que les menuisiers qui travaillent le verre n’ont pas été exclus du système d’écocontribution. Au contraire, l’État a décidé de mettre l’accent sur les portes et les fenêtres, plutôt que sur les composants et la quincaillerie. Il estime que le débat actuel n’a pas lieu d’être, puisque les professionnels réalisant un chiffre d’affaires de 1 à 2 millions d’euros paieront l’écocontribution sur la base d’une cotisation annuelle. Dominique Mignon d’Ecomaison comprend les préoccupations des artisans qui conçoivent leurs produits et préconise que ce soit celui qui est le plus en amont qui paie l’écocontribution. Il reconnaît toutefois la complexité de la situation et pense que la simplicité finira par prévaloir. Malgré les difficultés, les deux experts sont convaincus que le redressement aura lieu.
Des collectivités impliquées
Le maillage territorial pose problème car il doit respecter la distance maximale de dix kilomètres, ou vingt kilomètres en zone rurale, entre la zone de production des déchets et le point de collecte. Jean-Christophe Repon a reproché à ce maillage d’être inadapté aux besoins de la Confédération de l’artisanat et des petites et moyennes entreprises du bâtiment (CAPEB). Ecominero a fourni un plan de réseau pour intégrer les plateformes existantes et les zones manquantes. 80% des déchets inertes collectés par Ecominero vont vers les plateformes, 10% vers les déchèteries professionnelles gratuites pour les petits artisans, et les 10% restants vers les déchèteries publiques. Des négociations sont en cours pour établir un contrat barreau, mais les associations craignent que les collectivités ne deviennent le lieu d’atterrissage de ce qui ne fonctionne pas ailleurs. Odile Bégorre-Maire, vice-présidente du Bassin de Pompey, affirme que la collectivité ne doit pas devenir le point de chute des déchets. Le président délégué de Villes de France, Jean-François Débat, affirme que la privatisation des bénéfices est un jeu à somme nulle, où le privé prend les bénéfices, et le service public les déficits. Hervé de Maistre, de Valobat, nie que pour 1 000 € de matériaux et produits mis sur le marché, il n’y ait que 2 € d’éco-contribution.
Alerte des professionnels des travaux publics
La REP dans le bâtiment préoccupe le secteur des travaux publics. Cependant, le président de la fédération (FNTP) souligne que les entreprises doivent réaliser au minimum 80% de leurs travaux en dehors des chantiers. Bruno Cavagné, président de la FNTP, précise qu’une solution est en cours de finalisation avec les éco-organismes. Il s’agit d’éviter que les entreprises ne paient une écocontribution indue sur les achats de matériaux, ce qui est la principale crainte du secteur. Les entreprises qui ne travaillent pas en zone urbanisée pourront fournir une déclaration sur l’honneur à leurs fournisseurs de matériaux. Quant aux entreprises travaillant en agglomération, l’écocontribution devra être explicitement répercutée dans les prix payés par leurs clients. Bien que le secteur des TP valorise déjà 70 à 90% de ses déchets, une responsabilité élargie des producteurs dédiée aux TP n’est pas encore à l’ordre du jour. En revanche, le secteur du bâtiment n’a valorisé que 59% de ses déchets en 2019.